La grotte de Cougnac - chapitre 6 : Le mégacéros

Brek se réveilla brusquement, alors que la lune se profilait encore par l’ouverture étroite de l’entrée de la grotte, masqué partiellement par une tenture en peau de bête. Il venait de faire un rêve étrange, peuplé d’êtres hybrides, mi-hommes, mi- quadrupèdes, mais il ne parvint pas à s'en souvenir avec exactitude . Il se souvint seulement, combien il avait été impressionné par elles, et ne se sentait pas menacé, non, c’était comme si elles essayaient de communiquer avec lui, mais que leur langage était trop différent du sien…. Il ne put retrouver le sommeil, chercha vainement au fond de son esprit les mystères du monde onirique. « Et si le sommeil était une porte ouverte vers un autre univers ? »  se demanda-t-il perplexe. Sans réponse, un peu agacé de perdre un moment de repos à ces questions infinies, et pourquoi et pourquoi…. Les hommes ne connaissaient ou ne comprenaient que si peu de choses de l’univers. Où va le soleil lorsqu’il disparaît, d’où proviennent la neige et la pluie, pourquoi les saisons se succèdent-elles immuablement, tous ces mystères ne manquaient pas de le bouleverser de manière récurrente… Il se leva d’un bond, finalement, parce qu’il avait entendu un petit bruit sec tout près de l’abri et craignait l’attaque de quelque carnassier, et il y avait là quatre petits, bien vulnérables, à défendre. 

Le bruit, qui ressemblait à une branche cassée, se renouvela une seconde fois, et là, l’homme écarta la lourde tenture pour essayer de distinguer l’origine du danger potentiel… Le jour pointait timidement son nez à l’horizon, une traînée blafarde s’annonçant vers l’Est, mais il ne put rien voir, la lumière trop réduite, et ses sens de l’ouïe et de l’odorat, insuffisamment  développés. Il demeura parfaitement immobile pendant de longues minutes, la sagaie à la main, prêt à se battre s’il le fallait, mais encore un peu trop incertain pour réveiller les autres chasseurs… Peu à peu la lueur du levant s’agrandit, et Brek écarquilla les pupilles pour mieux voir l’animal qui se déplaçait dans les parages. Effectivement, il vit une grande silhouette de profiler dans le lointain. Il contempla avec effroi la taille gigantesque des bois d'un grand cervidé qui rodait tout près de la grotte ! Il n’en n’avait jamais vu d’aussi impressionnants, et se demanda même si cette apparition était un être vivant ou un esprit venu le hanter… La veille n’aurait-il pas, sans le savoir, défié le grand esprit de la montagne, ou quelque chose comme ça ? Avec une telle ramure, l’animal ne devait pas pouvoir se déplacer facilement dans une forêt aussi fournie que celle de la région, c’est sans doute que son terrain habituel se situait bien plus au Nord, ou bien à l’Est, là où la végétation se raréfiait au cause du climat ; cela il le savait de la bouche des Anciens de la Tribu. Plus il l’observait, plus il lui parut complètement irréel ; alors bête ou démon, comment savoir ? Il n’y avait qu’une manière d’obtenir une réponse, sortir et l’approcher ; si c’était bien un cerf, il fuirait certainement, par contre un esprit viendrait le défier au contraire.

Mais ne risquait-il pas sa vie ?

Le temps qu’il se pose ces quelques questions, et qu’il se décide, en quelques bonds, le grand cerf disparut de sa vue, alors il voulut le suivre, mais le jour naissant ne fut pas suffisant. Quand il fera complètement jour je suivrais ses traces, se dit-il, je serais curieux de voir s’il voyage seul ou accompagné…

En effet, il fut en mesure de trouver des traces profondes un peu plus tard, qui ne le menèrent pas bien loin, jusqu’au pied de la falaise que les siens avaient descendus une lunaison plus tôt .Il parla à ses compagnons de cette apparition, ce qui ne les rassura guère, c’étaient des hommes simples, et si chacun ne manquait pas d’une qualité particulière, ils se montraient plutôt superstitieux.

Ah, si nous avions un Chamane dans notre clan, il saurait éloigner les esprits mauvais, ajouta Kaar, très pragmatique malgré tout. Il fallait se résigner, un chamane n’allait pas leur tomber du ciel, à la demande !

(Et pourquoi pas ?)     

(A suivre...)