En disant ces mots, elle ouvrit sa cape et lui montra son ventre, manifestement celui d’une future maman.
Renaud eut un mouvement de surprise et même de gêne :
- Est ce que cet enfant est celui de votre ravisseur ?
- Non, il n’a pas osé me toucher à cause de ma farouche opposition. Je crois qu’il s’était même mis en tête de me séduire par ses qualités… peine perdue ! Non, cet enfant est de celui d’Yvan mon époux, et il a du être conçu quelques jours avant l’éclatement de notre famille….
- Je vois, ajouta Renaud, et vous pensiez être veuve et sans protection lorsque vous avez voulu vous suicider !
- Oui, c’est vrai. Je ne me suis rendue compte de mon état qu’après m’être enfuie du château, sinon, j’y serais peut-être restée, qui sais ?
- Et pour quand est prévue la naissance ?
- Je suis proche du terme, c’est une question d’heures ou de jour maintenant.
- Alors, Madame, maintenant que tout le monde va être réuni, c’est un grand bonheur qui se prépare ! Nous allons nous mettre en quête d’un gîte et il n’y a pas de temps à prendre… Dire que j’aurais pu arriver trop tard !
Comme il l’avait annoncé, Renaud chercha un logement en ville, même modeste. Les auberges étaient pleines, et il ne trouva rien en location qui soit dans ses possibilités.
Dans la rue il croisa un groupe d’enfants qui jouaient, et cela lui donna une idée. Il avisa le plus grand et le débrouillard d’entre eux et, moyennant quelques pièces, parvint à les décider de travailler pour lui. Le gamin organisa des équipes, deux pour guetter l’arrivée d’un homme accompagné de deux enfants montés sur une jument grise ; la troisième équipe était chargée de prospecter un abri pour la future mère. Il se trouva que les premières douleurs surgirent alors que le garçon, appelé Paolo vint lui indiquer une masure abandonnée à la lisière de la ville. N’ayant nulle autre solution, ils se rendirent tous ensemble vers cette maison.. Parvenu à destination, Renaud fit la grimace. Ce n’était guère plus d’une ruine, dont l’état du toit laissait à désirer. Mais il fallait bien s’en contenter. Heureusement, la pièce principale était encore habitable, et elle comportait même un châlit dans un coin. On installa la femme en couche, tandis que les enfants se mettait en quête de linges propres, ainsi que d’une ou deux couvertures. Nul se sut comment ils se les procurèrent, mais ils trouvèrent assez rapidement. Le gentil Paolo indiqua à Renaud qu’il avait prévenu sa tante, sage-femme qualifiée. C’est ainsi que naquit sans trop de problèmes le petit Armando, du nom de son grand-père maternel.
Le lendemain, veille de Noël, la mère et l’enfant se portaient à merveille, malgré un environnement assez peu accueillant, mais ce n’étaient pas les admirateurs qui manquaient…
Sur le coup de midi, les jeunes sentinelles annoncèrent l’arrivée de l’équipage tant attendu. Selon les consignes, les enfants guidèrent celui-ci jusqu’à Claudia sans trop explications, en disant juste pour les rassurer que Renaud voulait leur parler.
Yvan et ses enfants entrèrent dans la maison, non sans appréhension, et leurs visages à tous les trois s’illuminèrent dès qu’ils aperçurent celle qui s’était installée là.
- Maman ! Maman ! Enfin nous t’avons retrouvée ! S’écrièrent les enfants fous de joie en allant la couvrir de baisers.
- Oh ma chérie ! Que c’est bon de te revoir ! Mais est-ce que tu vas bien ? Tu m’as l’air bien malade ! S’inquiéta Yvan en voyant la pâleur de sa femme.
- Bonjour vous autres, fit Renaud en entrant derrière eux avec le nouveau-né dans les bras, votre épouse et votre mère va bien, elle vient seulement de mettre au monde un petit Jésus, enfin, un petit Armando… votre petit frère…
Bien entendu, cette nouvelle fit l’effet d’un coup de tonnerre, Mario et Sarah caressèrent l’enfant et l’embrassèrent avec tendresse. Tandis qu’Yvan, restant sur la défensive, interrogeait leur ami du regard, sans oser poser la question fatidique.
- Oui, Yvan, c’est bien votre fils, et pas celui d’un soudard. Il semblerait que vous l’ayez mis en route juste avant votre départ. Il lui a fallu tout ce temps pour le fabriquer !
Le soir même c’était le soir de Noël, la jeune maman tint absolument à assister à la messe de minuit malgré son état. Personne n’eut le cœur de le lui refuser, Louison tira une charrette transportant la famille au grand complet pour assister à la célébration. Ils avaient tant de remerciements et de louanges à chanter pour leur Sainte Protectrice ! (Sans oublier Zélia leur aïeule, qui avait joué un rôle important dans l’affaire). Chemin faisant, ils proposèrent à Renaud de rester avec eux pour toujours, ce qui lui gonfla le cœur d’allégresse, il s’était tant attaché à ses enfants ! Il deviendrait même le parrain du petit Armando.
Pendant la messe se produisirent deux miracles inattendus. Le petit Mario retrouva peu à peu la vue et sans trop oser le crier sur les toits, il en fit part à ses parents en leur disant :
- Voyez ce chandelier, là en face, regardez, il vient de se couvrir de roses !
Et en effet, tous comprirent en voyant ces prodiges qu’après le temps des épreuves, était enfin venu le temps de l’amour…