Les lunes de Sylvénia - Chapitre 17 : Les problèmes

 Au moment même où les enfants sombraient enfin dans un sommeil réparateur, le meilleur qu’ils aient connu depuis des jours, des agents de la Constellation du CERF visitaient le vaisseau des forces alliées terrestres et en inspectaient le moindre recoin.

Kuan et Tony s’étaient mis dans une situation délicate, car on avait trouvé des marchandises prohibées dans leur vaisseau, dont ils ignoraient la provenance.

 Les agents de toute la Constellation faisaient systématiquement ce genre de contrôle, comme avaient pu le constater Killian et Astélia lors de leur présence à bord. Selon les moments et les endroits ces fouilles pouvaient être plus ou moins poussées ; et aujourd’hui ils avaient décidé d’opérer dans les règles de l’art. Parce que les Cerfiens n’agissaient pas toujours dans la légalité, ils connaissaient les sanctions qu’ils encouraient ... C’est pourquoi ils se méfiaient de tout membre de la Confédération. L’autre jour, une caméra de surveillance automatique avait discerné des ombres se profilant sur l’astroport : l’image manquait de netteté, toutefois, les personnages aperçus un court instant semblaient ressembler à des jeunes terriens...

-  Chef, j’ai trouvé quelque chose, venez voir ! Demanda un soldat à son caporal

- Voyons, qu’est-ce que c’est ?

- C’est un ordinateur portable, et il y a aussi un sac avec quelques vêtements de petite taille, comme ceux d’un enfant.

- Et cet appareil, pourrait-on le faire parler ? Enfin je veux dire savoir à qui il appartient ? Est-ce inscrit quelque part ?

- Oui ce n’est pas difficile, surtout que celui-ci ne possède apparemment pas de code d’accès secret, il suffit d’entrer  certains paramètres  de recherche et... Pas plus difficile que cela ! Ajouta-t il en pianotant

- Il appartient donc à Astélia Ling-Thorens , née le 18 Mai 2483,  mais qui est-ce ? Voyons, on valide, et l’adresse s’affiche : 55 Rue Jules Vernes à “Venezzia” (Terre)

- Je ne connais pas précisément, mais cela confirme l’hypothèse des Terriens.

Bien joué Loos ! Il n’y a plus qu’à l’apporter au Commandement, ils seront plus que ravis de preuves aussi flagrantes ! Les deux trafiquants seront bien obligés d’avouer leur trafic de substances alcoolisées...

Quelques heures plus tard, après avoir fait des  recherches par des terminaux d’une extrême complexité et d’une grande puissance, les agents Cerfiens apprenaient tout sur ce qu’ils voulaient savoir sur la famille de Kuan Ling, sa femme Lucie Thorens, leurs deux enfants âgés respectivement de 10 et 16 ans. Comment ces derniers s’étaient-ils arrangés pour entrer clandestinement dans la soute, puis à s’installer dans la capsule de survie, cela dépassait leur entendement. Peu importait, mais en “recoupant” certains dossiers ils avaient compris que le véritable but des deux “Contrôleurs” terriens n’était pas aussi anodin. Ils prirent alors la décision de procéder à leur  arrestation, de les faire parler, puis si cela s’avérait nécessaire,  de s’en débarrasser.

Pendant ce temps-là Tony et Kuan s’efforçaient de faire leur travail avec leur efficacité habituelle ; ils vérifiaient sur des listes les stocks de carburants disponibles, et les comparaient avec  la courbe de consommation de ces derniers mois. C‘était un travail minutieux qui nécessitait beaucoup de concentration, et les deux hommes commençaient à sentir la fatigue les gagner...

- Regarde Lania, comme elle s’agite tout à coup. Elle doit vouloir nous prévenir de quelque chose...

- Quelqu’un vient, c’est évident !

En effet, un soldat vint les chercher pour leur demander de se rendre au bâtiment voisin où les attendait un membre du haut commandement Cerfien. Kuan prit Lania sur son épaule et se fit plus réceptif à ses ondes télépathiques. Ayant reçu un message d’alerte, il chuchota à son collègue

- Tony, Lania  perçoit que nous sommes en danger, que les Services Cerfiens en ont après nous. En fait ils vont nous mettre en arrestation, et feront tout pour obtenir des aveux de notre part.

- Alors, faisons semblant de le suivre gentiment, puis une fois près du premier astronef venu, on s’enfuit le plus vite possible de l’espace aérien de cette planète.

Au signal donné, ils se mirent à courir, et ils réussirent grâce à cette ruse, à passer entre les mailles du filet, puis à s’évader en utilisant un vaisseau de patrouille Cerfienne. Le soldat n’eut pas le temps de réagir, il ne put que prévenir les autorités de cette évasion. Leurs adversaires n’auraient éprouvés aucun scrupule à abattre l’appareil, celui-ci sorti  de leur espace aérien, mais ils jugèrent qu’ils n’avaient pas encore eu l’opportunité de découvrir des preuves compromettantes, et que par conséquent ils ne présentaient aucune menace immédiate pour leur sécurité.

Ils préféraient de beaucoup les prendre vivants.

- Ouf ! C’était moins une, mon Commandant, Dit Tony, heureusement que nous possédons ce charmant animal, il nous a sauvé la mise. Dieu sait ce qu’ils auraient fait de nous...

- Oui, nous leur avons effectivement échappé,  provisoirement du moins. Mais il y a plus grave, nous sommes des espions “grillés”, c’est-à-dire que nous ne pourrons plus exercer dans cette partie de l’univers, ce qui remet bien en cause l’exercice de notre métier.

- Je n’avais pas envisagé les choses sous cet angle, en effet ! Quelle déception pour moi !

- Et voici de plus un fait ahurissant, qui me touche au plus près : mes enfants pour une raison indéterminée, nous ont suivi jusque sur la planète Cobé, cachés parmi la cargaison. Puis il semblerait qu’ils aient ensuite quitté le cargo et embarqué sur un vaisseau inconnu, puisque les Cerfiens ont à ce jour perdu leurs traces....

- Oh, mon Dieu, ce n’est pas possible ! Lania a capté tout cela ? Qu’a-t-il pu leur arriver ? Comment pourrons-nous retrouver leurs traces maintenant ?

- Lania, mon petit, pourquoi ne nous as-tu pas prévenue de leur présence à bord, je ne comprends pas ?

L’animal les regardait de ses grands yeux orange avec une profonde tristesse, mais fut incapable d’apporter des précisions supplémentaires.

- Il est possible que dans certains cas les ondes télépathiques puissent être brouillées par l’émission d’autres ondes contraires ...

- Ou bien qu’elle ait délibérément choisi d’ignorer cette information, mais je ne parviens pas à comprendre pourquoi.

- Bien qu’elle soit d’une grande intelligence, cette logar ne peut pas forcément tout exprimer, et nous ne le saurons sans doute jamais...

- Qu’allons-nous faire maintenant ? Rentrer sur Terre est impossible dans l’immédiat. Mais comment faire pour  retrouver nos deux fugueurs ?

- Nous allons nous servir de l’informatique, pirater la tour de contrôle de l’astroport, voir quels vols étaient programmés hier pendant le laps de temps où nous travaillions sur Cobé.

- Bonne idée ! Mais çà risque de ne pas être si facile, il a du y avoir des dizaines de vaisseaux en partance !

- Certes, c’est un véritable travail de fourmi, mais avons-nous vraiment pas le choix ! Il faut les retrouver !

Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens tellement responsable !

- Voyons ce n’est pas de votre faute ! Ils se sont mis dans le pétrin tout seul, croyez moi !

- Il nous faut tout d’abord sortir du centre de la galaxie pour échapper aux patrouilleurs le plus vite possible, puis nous choisirons une planète inhabitée pour entreprendre nos recherches.

- C’est parti, S’écria Tony plein d’espoir.

Kuan au fond de lui ne débordait pas du même enthousiasme. Il se faisait bien du souci pour ses enfants, et ne s’imaginait pas l’avenir en rose... Sa situation professionnelle se trouvant maintenant compromise, sa famille et lui devraient peut-être quitter la jolie maison que le gouvernement leur avait attribuée. Si seulement ils retrouvaient les petits sains et saufs, il était prêt à en payer le prix ! Et puis, il lui vint à l’esprit que leur mère avait sans doute été prévenue de leur disparition et remuait “ciel et terre” pour les retrouver (si l’on peut dire !)

- Je dois lui faire parvenir un message, qui n’annoncera pas une très bonne nouvelle, mais qui devrait éclaircir la situation. Se dit-il.

Si l’esprit de Kuan était rempli d’une légitime inquiétude, il connaissait une partie des faits, mais Lucie, elle, ne possédait encore aucune hypothèse sur ce qui s’était passé. Elle devait avoir vécu des heures épouvantables, et sans pourvoir se confier véritablement. Il la savait très courageuse, toutefois son cœur de mère  supporterait-il une épreuve comme celle-là ? 

(A suivre...)